Quand le village se souvient : fêtes et commémorations à Vielmanay

06/10/2025

Le temps liturgique : rituels et rythmes chrétiens au cœur du bourg

Jusque tard dans le XX siècle, le calendrier catholique rythmait la vie de Vielmanay. Fêtes patronales, processions et messes réunissaient pratiquement toute la population, formant un ciment social mais aussi une mémoire partagée.

  • La fête patronale de la Saint-Martin : Vielmanay, comme beaucoup de communes du Nivernais, s’est traditionnellement placée sous le patronage de saint Martin, fêté le 11 novembre. La cloche, qui porte souvent son nom d’ailleurs, sonnait ce jour-là pour marquer une messe solennelle, suivie d’un repas communautaire et de danses sous le préau ou sur la place. Cette célébration marquait la "fin de l’année agricole" : historiquement, la foire de la Saint-Martin était une date charnière pour les contrats de domestiques et la location des terres (Persée).
  • La procession des Rogations : Trois jours avant l’Ascension, la procession traversait champs et chemins. À Vielmanay, les habitants témoignaient encore au milieu du XX siècle du passage du curé, suivi par la communauté, bénissant moissons et vergers. C’était l’occasion de formuler collectivement la crainte des mauvaises récoltes et d’affirmer l’importance de la terre pour le village.
  • Le Pardon : Moins connu que dans la Bretagne voisine, mais documenté dans le Haut-Nivernais, le rite du pardon était autrefois marqué par une messe et la bénédiction des enfants à la fin de l’été (Gallica, archives paroissiales du diocèse de Nevers). À Vielmanay, sa trace demeure dans certains récits de familles anciennes.

Les commémorations nationales : quand Vielmanay se relie à la mémoire de la Nation

Les cérémonies commémoratives constituent une mémoire vivante : elles rappellent les souvenirs douloureux, honorent les luttes et relient le village à la grande histoire.

La fête nationale du 14 juillet

Instituée dès la III République, la Fête Nationale s’est ancrée à Vielmanay par le biais de bals populaires, de retraites aux flambeaux et, à partir des années 1930, de petits feux d’artifice au bord de l’étang communal. Les archives communales de Vielmanay (registre des délibérations, 1885-1936) mentionnent des crédits votés pour organiser « buffet républicain et illumination de la place ». Cette fête restait l’un des rares moments où l’on voyait cote-à-côte ouvriers agricoles, notables et instituteurs trinquer ensemble.

Le 11 novembre : mémoire de la Grande Guerre

La commémoration de l’Armistice, tout comme l’érection du monument aux morts (1921), constitue le cœur de la mémoire collective du XX siècle à Vielmanay. Dans les années 1920, la cérémonie réunissait toute la commune, avec les anciens combattants en vareuse et médailles, entourant les enfants de l’école venus avec une gerbe. Encore aujourd’hui, même si la population a diminué (moins de 250 habitants au dernier recensement, INSEE 2021), ce moment de recueillement à la stèle devant la mairie reste un marqueur fort.

  • Lecture des noms des morts (13 noms gravés sur le monument) ;
  • La Marseillaise chantée par les enfants ;
  • Heure de silence suivie d’un vin d’honneur à la salle polyvalente.

Dans les années 1950-60, on fabriquait soi-même les coquelicots de feutre pour orner les boutons de veste, une coutume tombée un peu en désuétude mais parfois ravivée à l’initiative de l’association locale Mémoire et Patrimoine.

Hommages du 8 mai et Journée du Souvenir

Le 8 mai, célébrant la fin de la Seconde Guerre mondiale, donne aussi lieu chaque année à une cérémonie devant le monument, même si celui-ci n’indique aucun mort local de ce conflit. Les anciens relatent comment cette journée était autrefois l’occasion de rappeler, dans le discours du Maire, les Réfractaires du STO cachés à Vielmanay, ou les familles ayant aidé des prisonniers évadés. Les commémorations sont parfois partagées avec la commune voisine de Saint-Malo-en-Donziois.

Côté village : fêtes rurales, foires et moments de liesse partagée

Au-delà des calendriers religieux et républicains, plusieurs célébrations populaires ont traversé – ou traversent encore – la vie du village. Elles incarnent la mémoire informelle, joyeuse et rassembleuse.

La Fête des moissons : ode à la terre nourricière

Jusqu’aux grandes transformations agricoles des années 1950-60, la moisson donnait lieu à une fête collective, le “banquet des moissonneurs”, où familles, ouvriers agricoles, saisonniers et patrons partageaient un repas pantagruélique, alternant plats de charcuterie locale et chansons à répondre. Plusieurs archives des années 1930 (fonds privé A. Fargues) mentionnent des concours d’égrainage de blé et de fauchage, dont le vainqueur remportait une bouteille de marc du cru.

Foires et marchés : rares mais marquants

Si Vielmanay n’a jamais rivalisé avec les grandes foires de Donzy ou Cosne, elle accueillait tout de même, deux ou trois fois par an, de modestes foires à bestiaux et marchés aux volailles (régistre de la Mairie, 1913). Ces journées animaient la rue principale, transformée en véritable théâtre vivant, et participaient au maintien d’un lien entre la commune et ses voisines.

Bals et fêtes de la Jeunesse

Dans les années 1950-1960, la fête de la Jeunesse, impulsée par l’école et l’Amicale Laïque, donnait lieu à un bal sous chapiteau, où l’on dansait jusque tard. Un habitant, interrogé pour ce blog, se souvient de “la valse des lampions” et de la tombola où l’on gagnait… un panier de fromage ou deux canards gras.

Souvenirs et mémoires intimes : communions, noces et veillées

Certaines cérémonies restent du domaine privé mais engendrent pourtant une mémoire collective, tant elles impliquent l’ensemble du village.

  • Premières communions et mariages : Jusqu’aux années 1970, ces fêtes constituaient des “événements de village” où l’on invitait tous les voisins, avec cortège dans les rues parfois décorées par les enfants. Le cortège de la mariée, arrivé à pied à l’église, reste dans la mémoire de plusieurs générations (archives iconographiques, familles Lefèvre et Chassignol).
  • Veillées d’hiver : Après les labours, le village se réunissait chez l’un ou l’autre pour filer la laine et raconter des histoires. Ces veillées permettaient la transmission de légendes locales mais aussi la relecture de grands épisodes communaux (crues de la Loire, incendie de la grange en 1928...).

Entre oubli et renouveau : la mémoire célébrée aujourd’hui

Vielmanay, comme tant de villages de la Nièvre, a perdu une partie de sa population (environ 360 habitants en 1954, moins de 250 aujourd’hui, INSEE), et certaines célébrations du passé ont disparu ou se sont transformées. Cependant, un intérêt renouvelé pour l’histoire locale se constate : autour du 14 juillet et du 11 novembre, des ateliers de mémoire sont organisés à la salle communale, animés par l’association Mémoire et Patrimoine. Les anciens y racontent “les Noëls avant l’électricité”, les jeunes apprennent à décrypter les noms du monument aux morts – et l’on scelle ainsi la transmission d’une histoire partagée.

À Vielmanay, la mémoire collective s’est ainsi forgée autour de rendez-vous rituels, formels ou intimes, qui dessinent en creux le visage du village. Des cloches de la Saint-Martin aux lampions du 14 juillet, de la lueur des veillées aux silences du monument, chaque célébration a laissé son empreinte : une façon, encore aujourd’hui, de faire vivre, ensemble, la mémoire d’antan.

Sources principales : Archives communales de Vielmanay (consultables en mairie sur rendez-vous), INSEE, Persée, Gallica (BNF), témoignages recueillis auprès de familles locales (2021-2023), fonds privés A. Fargues.

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