Le nom de Vielmanay : voyage au cœur des premières archives du village

26/07/2025

Un village révélé par l’encre des anciens manuscrits

Il existe des noms auxquels on ne prête plus attention, tant ils font partie de notre quotidien – Vielmanay en est un. Mais d’où vient ce mot qui désigne ce hameau posé sur les rives de la Nièvre  ? Pour en trouver l’origine, il faut ouvrir de vieux registres, feuilleter les parchemins tachetés par le temps, et suivre la trace que l’histoire a laissée à travers les siècles. Car chaque lieu, avant d’être carte ou panneau, fut d’abord une ligne sur un acte, un mot inscrit dans l’intimité des archives.

Remonter la piste des premiers écrits mentionnant Vielmanay offre un voyage passionnant à la croisée de la toponymie, de l’administration, des bouleversements linguistiques, et des vies d’habitants qui, jadis, ne s’imaginaient pas au cœur d’une grande histoire de papier. Ce récit s’appuie sur des sources précises : archives départementales de la Nièvre, documents issus des Archives nationales et ouvrages spécialistes tels que ceux d’Alfred Wermoes et René de Lespinasse.

Aux origines d’un nom : Vielmanay à travers les siècles

Avant les archives écrites : l’oubli des commencements

L’histoire écrite de Vielmanay commence... fort tard. Comme pour nombre de petits villages de Bourgogne, la trace la plus ancienne dans des documents authentiques est souvent bien plus récente que son existence réelle. Présent sur des terres occupées dès l’Antiquité, reiches en vestiges gallo-romains dans la région, Vielmanay n’apparaît pourtant pas dans le cartulaire de la puissante abbaye de La Charité-sur-Loire, qui, au XI et XII siècles, contrôlait nombre de terres alentours (La Nièvre et le Nivernais au Moyen Âge, François Noblat). Les siècles passent, mais le silence des archives demeure presque total jusqu’à la fin du Moyen Âge.

La première mention connue : Vielmanay au XVI siècle

Ce n’est qu’en 1539 que surgit, pour la première fois, le nom de Vielmanay dans les sources écrites retrouvées à ce jour. Il figure dans un état des propriétés de l’abbaye Notre-Dame de La Charité lors d’un récolement des terres possédées dans la région de Châteauneuf-Val-de-Bargis. Dans ce document, aujourd’hui conservé aux archives départementales de la Nièvre (fonds H, série La Charité), “Vielmanay” est listé parmi plusieurs “villettez” dépendantes du domaine monastique.

  • Écriture ancienne : “Vyelmanay” ou “Vieil Manay” selon les transcriptions.
  • Scellé en latin médiéval, le passage mentionne “in villa de Vielmanay”, ce qui désigne déjà un bourg organisé.

Pourquoi si tard  ? Les actes antérieurs, essentiellement ecclésiastiques ou notariés, ne citaient que les sites majeurs (Châteauneuf, Beaumont, La Charité). Les “petites paroisses” environnantes, dont Vielmanay, n’apparaissent autrement que dans la documentation fiscale ou seigneuriale rarement conservée avant le XVI siècle.

Les formes du nom : variations et étymologies

Les avatars d’un toponyme

De “Vyelmanay” à “Vielmanay”, les variantes sont le reflet de la lente évolution de la langue, mais aussi des caprices des greffiers. Voici un tableau récapitulatif des formes relevées dans les sources majeures :

Année Source Forme du nom
1539 Abbaye de La Charité Vyelmanay
1673 Registre paroissial Vieilmanay
1748 État des paroisses (intendance de Nevers) Vielmanay
1821 Cassini (carte) Vielmanay

Cette oscillation entre “Vieilmanay” et “Vielmanay” renvoie à l’usage ancien du “vieil”, issu de vetulus – “vieux” – désignant sans doute un “manoir” ou un domaine ancien de la région. À noter : l’évolution graphique coïncide souvent avec les changements administratifs (intendance puis mairie post-révolutionnaire).

Un nom qui en dit long

  • Vieil : terme fréquent dans la toponymie bourguignonne (par ex. Vieil-Fermoir, Vieil-Hesdin) pour marquer une préexistence ou une origine antérieure à un “neuf” éventuel qui, ici, n’est pas conservé.
  • Manay : du bas latin “manerium/manium”, désignant un grand domaine, souvent avec exploitation agricole (voir : Toponymie générale de la France, Ernest Nègre).

Ainsi, la première mention de Vielmanay dans les archives est loin d’être un simple état civil ; c’est déjà le témoin d’une structure économique et sociale bien en place.

Qui écrit “Vielmanay” ? Les institutions productrices d’archives

L’enquête ne s’arrête pas au mot – elle interroge ceux qui l’ont couchée sur le papier. Au fil des siècles, trois grandes familles de producteurs d’archives documentent Vielmanay :

  1. Le monde religieux (Abbaye de La Charité, puis paroisse locale), gardien des registres et des droits.
  2. La féodalité puis la noblesse locale (familles de Chabannes, de Fontaines), à travers les actes de propriété, consentements, et cens.
  3. L’administration royale puis républicaine : dès le XVIII siècle, inspection des intendances, procès-verbaux, et finalement, état civil communal dès 1792.

Chacune de ces institutions a légué, parfois en doublon ou en lacune, un pan de la mémoire écrite du village.

Au fil des archives : quelques lectures insolites

L’acte “lyrique” de 1539

Le tout premier acte mentionnant Vielmanay accuse une recette de céréales due “par les manants et habitants de la ville de Vyelmanay pour tenir la fête de Saint-Martin”. Un extrait émouvant, car on y devine, au-delà des chiffres, la vie de la commune : une communauté qui s’organise, paie ses dîmes, fête et partage selon les cycles agricoles (AD Nièvre, H 243).

Au détour des registres paroissiaux

Dès le XVII siècle, Vielmanay apparaît dans les baptêmes, mariages et sépultures des registres de la paroisse Saint-Pierre (conservés aux Archives départementales, série GG). Mention amusante en 1694 : « Baptême de Pierre, fils de Jean Laizeau, journalier du village appelé Vieilmanay », preuve de la stabilité du nom malgré les changements d’époques (AD Nièvre, GG 23).

  • Le registre de 1673 orthographie chaque fois “Vieilmanay”, preuve d’un usage fixé localement, avant la stabilisation “Révolutionnaire”.
  • Vers 1780-90, la graphie “Vielmanay” s’impose, éclairant la transition vers l’unification linguistique voulue par l’administration du Royaume.

Vielmanay face à la géographie et aux cartes anciennes

Outre les textes, le nom “Vielmanay” fait son apparition sur la célèbre carte de Cassini (Feuille 120 Nevers, établie entre 1781 et 1785). Le village y figure clairement, entre Châteauneuf et Menou, preuve que le toponyme est établi dans le paysage national avant la Révolution. La cartographie d’État, tout comme les grands recensements révolutionnaires, achève ainsi de faire entrer Vielmanay dans la “modernité” des départements (cartesfrance.fr).

Aujourd’hui : la mémoire dans les archives et la vie locale

L’apparition du nom de Vielmanay dans les archives n’est pas seulement un jalon administratif. Elle marque l’intégration du village dans la mémoire collective du Nivernais et, plus largement, de la France. Les preuves concrètes – acte de 1539, registres paroissiaux, états administratifs du XVIII siècle – donnent chair à une communauté longtemps discrète mais ancrée dans la continuité rurale de la région. Aujourd’hui encore, les habitants peuvent, dans les archives, retrouver la trace humble ou fière de ceux qui les ont précédés.

Pour les curieux, les passionnés et les familles attachées à leur histoire, Vielmanay n’est pas qu’un nom : c’est un fil qui relie chaque génération, chaque papier jauni, chaque anecdote glanée, pour reconstituer l’histoire silencieuse qui a forgé notre présent.

  • Sources principales : Archives départementales de la Nièvre, H 243, GG 23; Toponymie générale de la France, Ernest Nègre, t. 2, 1996 ; La Nièvre et le Nivernais au Moyen Âge, François Noblat, 2007 ; carte de Cassini ; Dictionnaire topographique du département de la Nièvre, Maison de la Nièvre.

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